mardi 19 mai 2015

Blaq Poet - Rewind << Deja Screw (2006) (Queens, NY.)

Blaq Poet c'est Wilbur Bass, un type sorti tout droit du Queensbridge (dans le Queens donc, au bord de Manhattan) d'où viennent entre autres Nas, Mobb Deep, Marley Marl, Tragedy Khadafi et Redman, pour ne citer que les plus connus. Un vaste lieu au sein de la Grosse Pomme où ces rappeurs ont grandi mais surtout où ils y ont fait leurs armes. Et question de faire ses premiers pas, Blaq Poet les as faits très tôt. Ses débuts remontent dans la seconde partie des années 80 - il portait alors le pseudo Poet - où il enregistra un single bien sympa ("All Hell Breakin' Loose") mélangeant hip-hop et freestyle. Quelques années après (1991) il s'associa avec un gentil garçon - Hot Day - avec lequel il grava un album - Without Warning - sous le nom de PHD (initiales de Poet et Hot Day), pour enfin terminer sa course avec Screwball (connus en particulier pour "F.A.Y.B.A.N." ; un morceau qui sera produit par DJ Premier himself). Courant 2005/06 c'est l'heure de son 1er album solo ; soit près de 20 ans après le début de sa carrière. Assez rare pour être signalé.

Donc Rewind << Deja Screw. 18 pistes. Pas de skit ni interlude. 64 minutes ininterrompues où le rappeur nous délivre (avec le concours de quelques feats bien sentis) une prestation sinon de très haut vol, du moins plaisante voire trippante ("Watch Your Back", "My Nigga", "Rhyme Crime Boss" et "Hard to Believe" qui sortent du lot). La galette est dans son ensemble très régulière, ne laissant quasiment aucune place à l'approximation en terme de qualité. Les morceaux sont tous bien ficelés et, hormis les quatre cités plus haut - aucun ne se départit vraiment. En revanche, ce qui saute aux oreilles (du moins les miennes), c'est non pas la, mais les productions. 6 différents gonzes aux manettes pour se répartir les 18 pistes, dont près de la moitié reviennent à Généraldo de 45 Scientific (équipe frenchie, cela dit au passage) balançant un son que je découvre et qui tabasse sévère (je pense notamment à "Hard to Believe" ; lequel m'a quand même bien scotché). Le reste des producteurs c'est du bien lourd, du très lourd. DJ Premier sur 4 morceaux ("Watch Your Back" me vient en tête car addictif), Blaq Poet avec lui aussi 4 titres ("My Nigga" et "Rhyme Crime Boss" particulièrement), Easy Mo Bee sur "You Fucked Up" et le fameux Alchemist avec le lancinant "Bloody Mess" où il est justement question du Queensbridge. Les réputations sont donc à la hauteur. Pas de remplissage dans ce long courrier. Pourtant au départ j'étais un peu dubitatif du fait des 18 pistes sans aucune coupure en son sein. Nope, que dalle. Et, étonnement, tout est passé comme une lettre à la poste malgré deux chansons un peu en-dessous ("Psycho", "The Cash, Part. 2"). Mais elles se trouvent à la fin. Le meilleur avait déjà fait son effet sur mes esgourdes.
Alors voilà, dix ans après sa sortie, ce Rewind << Deja Screw est une très bonne surprise dans le monde du hip-hop des années 2000. La "faute" à qui ? à un Blaq Poet qui dispense d'un flow et d'une rime à la fois fine et suffisamment hardcore pour que l'opus remporte mes suffrages, ce à quoi il faut ajouter la fine brochette de producteurs qui ont brillé derrière la console. Un usage tout-à-propos de celle-ci ayant permis la création d'univers multiples à travers les 18 titres.
Au final j'ai envie de dire que Blaq Poet est un putain de emcee, d'autant plus terrible qu'il n'est pas connu lorsqu'il s'agit de nommer les meilleurs rappeurs new new-yorkais. Et pourtant il nous donne une sacrée mandale sans jamais faillir ou décevoir.
Hip-hop heads, allez l'écouter, vous ne serez ravis.

Recommandé : ++

1 Bang This 3:09
2 Ghetto S**t 3:40
3 Message From Poet 2:51
4 Bomb S**t 4:36
5 Bloody Mess 4:01
6 Watch Your Back 3:35
7 The Cash 3:18
8 My Ni**a 3:39
9 What Ya'll Gonna Do? 3:40
10 Poet Has Come 4:06
11 You F**ked Up 3:36
12 After All This Time 3:28
13 Rhyme Crime Boss 4:06
14 Hard to Believe 3:27
15 Psycho 3:03
16 Still Flippin' 3:23
17 The Cash Pt. 2 3:02
18 Mind of a Criminal 3:52

Label: Traffic / TEG-2426


lundi 18 mai 2015

Da King & I - Contemporary Jeep Music (1993) (Brooklyn, NY.)


Da King & I ? me demanderont certains. A ceux-là je répondrai qu'il s'agit d'un duo composé de MC Izzy Ice et de DJ Majesty. Les compères nous viennent tout droit de Brooklyn. Cinq ans auparavant, ils avaient enregistré un single ("Soulman / Funky Freestyle", Scottfree Records SF1001) sous le nom de Izzy Ice and DJ Majesty.
Donc Da King & I. Un groupe dont je n'avais pas entendu parler jusqu'à ce lundi de Pâques 2014. Sorti en 1993 alors que le flot hip-hop était à son apogée, 'Contemporary Jeep Music' est passé quasiment inaperçu, d'autant plus sur le petit label géorgien Rowdy Records. Un très bon disque mélangeant habilement un hip-hop boombapien et de nombreuses sonorités jazzy. Le duet new-yorkais délivre là une bonne perf, malheureusement laissée sans suite.
Recommandé : ++
A noter un remix du morceau "Flip da Scrip" par DJ Premier sur le single du même nom.

Highlights: Krak da Weazel, Tears, Mr. All That, Represent, et Crack da Weasel (Dat Other S***)

1 Contemporary Jeep Music
2 Let's Take a Trip
3 Flip da Scrip
4 Interlude 1 / MC Asshole
5 Krak da Weazel
6 Interlude 2 / Amusement Park
7 Brain 2 U
8 Tears
9 Soul Shack Interlude
10 Ghetto Instinct
11 Mr. All That
12 Interlude 3 / Jazz Skit
13 This Is How We Do
14 Interlude 4 / Izzy Sings da Blues
15 Lost My Mind
16 Represent
17 Crack da Weasel (Dat Other S***)
18 What's Up Doc

Label: Rowdy / 75444-37001-2


dimanche 17 mai 2015

Big L - Lifestylez ov da Poor & Dangerous (1995) (Manhattan, NY.)

Lamont Coleman, aka Big L, signe là son 1er album, qui sera également son dernier de son vivant puisque son 2è opus The Big Picture est sorti en juillet 2000, soit 1 an et demi après sa mort.
Lifestylez ov da Poor & Dangerous sort donc au printemps 95 sur le gros label Columbia (seul Nas si ma mémoire est bonne, avait été endorsé par ce label pour son 1er album 'Illmatic' en 1994).
Rare pour être signalé dans le monde du hip-hop que d'être signé par une major pour un premier jet. Ainsi, le niveau de l'album est à la hauteur de la taille-patron de la maison de disque ; à savoir une montagne.
12 morceaux et un peu moins de 50 minutes plus tard, vous voici face à un espèce de croisement entre pièce-maîtresse du rap et mysticisme à travers la disparition du monsieur. A l'instar de Notorious BIG, ou encore 2Pac (à peine 25 ans), Big L est rentré dans la triste cour des rappeurs n'ayant pas franchi cette fameuse barre, mais aura laissé une empreinte indélébile dans le monde du hip-hop par le biais de cet unique opus (sans compter son apport avec le supergroupe D.I.T.C.)
Au final c'est un full-length à la fois sombre et boosté par le débit de Big L, peu ou pas de temps-morts pendant les 50 minutes, et pas de morceaux faibles. La sève de la rime coule pleinement le long des lèvres du chanteur, nous distribuant par-là même des salves ininterrompues avec un flow boom-bapien propre à la scène east-coast.
Certes le contenu de la galette n'est pas à la fête, mais quand c'est fait avec talent et élégance, ça en devient de l'art.
Essentiel.

1 Put It On 3:38
2 MVP 3:39
3 No Endz, No Skinz 3:29
4 8 Iz Enuff 4:58
5 All Black 4:21
6 Danger Zone 3:37
7 Street Struck 4:09
8 Da Graveyard 5:23
9 Lifestylez ov da Poor & Dangerous 3:21
10 I Don't Understand It 4:20
11 Fed Up With the Bullshit 3:52
12 Let 'Em Have It "L" 3:57

Label: Columbia / CK 53795

Smarki Smark - Najebawszy EP (2005) (Pologne)

Il m'arrive parfois d'écouter des productions de hip-hop qui ne soient pas en anglais ou français. Mais de façon générale, celles-ci sont soient instrumentales, soient elles impliquent en grande partie des lyrics en anglais.
Mais ici, l'on a affaire à du polonais. Alors soit on a de la famille qui peut nous expliquer de quoi il s'agit, soit on gaule que dalle. C'est mon cas. Alors évidemment c'est chaud du slibard de rien piger, alors on s'en réfère aux beats et aux flow. Perso dans le rap, il faut que je comprenne de quoi il est question sinon je trouve que ça n'a pas vraiment de sens. Toutefois il existe des exceptions quand le type qui est au micro se voit accompagné d'un background sonore qui déchire sa maman. C'est ce qui se passe pour cet EP.
C'est pas nouveau, j'adore le le hip-hop quand il est servi à la sauce jazz, qui plus est dans une dynamique boom-bap façon east-coast.
Cherchez des albums "ésotériques" sur la toile c'est un peu mon dada. Le genre de production se trouvant sous les radars, que tu découvres et au final, tu te dis que c'est une bombe qui mérite d'être connue par le plus grand nombre.

Smarki Smark est de ceux-là. Un Polonais qui débite dans sa langue natale c'est osé. Bah oui, réfléchis mon pote. Tu viens d'un pays où le rap n'est pas la discipline n°1, tu commences ta carrière et tu te radines avec un EP dans une langue que personne ne capte. Alors oui c'est foutrement osé ne serait-ce que commercialement. Va vendre ton matos au reste de l'Europe et aux States après, et tu viendras m'en reparler.
Bien entendu je ne voulais pas m'arrêter à une seule écoute car la zik proposée est vraiment excellente. 30 minutes, 7 morceaux distillés sans encombre, aucune faute de goût, des beats bien sentis, un débit vocal fluide et léger. Tout pour vous faire passer une demi-heure agréablement. 

1 Kawałek O Rapie (Oko za oko, rym za ząb) > Morceau de rap (Œil pour œil, dent pour rime) 3:59
2 Kawałek O Pieniądzach (8333.333 Euro) > ...sur l'argent 3:36
3 Kawałek O Miłości (Amyawy) > ...sur l'amour 2:57
4 Kawałek O Niczym Konkretnym (Dźwięki stereo) > ...rien de concret 4:56
5 Kawałek O Ściemnianiu Panien (Po pierwsze) > ...sur les femmes (pour commencer) 5:20
6 Kawałek O Wspomnieniach (Sweet memorise) > ...de souvenirs 4:32
7 Kawałek O Życiu (Najebawszy theme) > ...sur la vie 4:17

MC Solaar - Prose combat (1994) (Paris, FR.)

Non content de contenir cinq hits que sont "Obsolète", "Nouveau Western", "À la claire fontaine", "La concubine de l'hémoglobine", "Séquelles" qui ont fait mouche à l'époque, Prose combat est avec L'École du micro d'argent de IAM, Où je vis de Shurik'N ainsi que Opéra Puccino d'Oxmo, l'album français référence des années 90 en matière de hip hop, en matière de textes intelligents, très bien écrits, un beat nickel, une prose en béton armé. Ça tombe bien puisque c'est le combat de cet album ; la prose.
MC Solaar est selon moi la quintessence du rap/hiphop français toute époque confondue. Il est celui qui manie le mieux les mots, les marie là où l'on n'aurait pas idée de les associer. Je l'écoutais quand j'étais ado, je l'écoute toujours avec autant de plaisir, décelant par-là même beaucoup mieux les subtilités de la langue et les jeux de mots qu'il nous balance à tout-va. Un poète de la rime intelligente disais-je donc. Pour sûr. Ce mec a la rime, et la voix qui se pose parfaitement sur ce qu'il raconte. Et même lorsqu'il s'associe à d'autres rappeurs ("L'NMIACCd'HTCK72KPDP" et "Relations humaines") ça reste bon et le flow n'est pas dénaturé. Toutefois Solaar seul se suffit à lui-même dans la qualité de l'interprétation et de la présence. Il pourrait chanter a cappella qu'on n'aurait rien à y redire. "Séquelles" par exemple, qui est selon moi un des titres-phares de l'album, pourrait très bien se chanter de cette manière car le texte s'y prête. De la même façon "La concubine de l'hémoglobine" pourrait l'être.
Ce deuxième essai de Claude M'Barali est une petite pépite de rap, une perle de rimes liées les unes aux autres, des morceaux qui sont autant de références littéraires, artistiques, historiques, des clins d’œil incessants aux belles lettres, aux métaphores, et parfois il divague et digresse sur des vagues relatives au sexe ou assimilé, mais jamais le bonhomme ne tombe dans les travers si souvent répétés de la sombre et pernicieuse vulgarité du genre. Il est digne et classe, et ça c'est pas courant pour être mentionné. J'ai toujours aimé le boulot du type et la personne. Humble, réservé, correct, poète, intelligent, cultivé. Enfin l'artiste dont tout le monde rêve. Un homme qui n'ouvre pas sa bouche à tort et à travers comme beaucoup dans ce milieu. C'est respectable et ça fait du bien.
Alors à la fin des 15 titres, on en sort ravi et la qualité d'ensemble est très bonne. Une production propre sans être lisse, pas de point faible ni de chichi.
MC Solaar signe là un opus majeur faisant date.

Prose combat est un album subtil...très subtil.


1 Aubade 0:35
2 Obsolète 3:04
3 Nouveau Western 4:34
4 A la claire fontaine 2:58
5 Superstarr 3:05
6 La concubine de l'hémoglobine 4:49
7 Dévotion 4:26
8 Temps mort 3:41
9 L'NMIACCd'HTCK72KPDP 5:04
10 Séquelles 3:37
11 Dieu ait son âme 4:46
12 A dix de mes disciples 3:45
13 La fin justifie les moyens 4:57
14 Relations humaines 3:28
15 Prose combat 3:06

Label: Polydor / 521 289-2